Une jounée avec Jean-Paul Cayon :
*Voiture : Peugeot 504 ex-usine, 1970 (Café de Côte d'Ivoire).
*Ce qu'il a fait : 1000 Dunes 2006, Rallye Côte-Côte 2007.
Jean-Paul Cayon est un passionné à plusieurs facettes. Il y a d'abord l'amateur de sport mécanique : trial en moto, puis course de côte en voiture (BMW 3.0 CSL). Et puis le collectionneur proprement dit, passionné par la mécanique des sportives d'avant-guerre. Sa Buick 1912 en est la preuve ! Fasciné par les Audi quattro, il a finalement craqué pour une Peugeot 504 ex-usine , une de celles qui colportaient sur les pistes d'Afrique l'image de la Peugeot rustique et endurante.
*Les rallye-raids des années 70/80 ont pour beaucoup le goût de la véritable aventure humaine et automobile. Pourquoi ne pas franchir le pas avec une ancienne, à l'instar de Jean-Paul Cayon ?
Quel collectionneur êtes-vous ?
-Je suis avant tout un collectionneur d'avant-guerre. Et je suis du coup plus sensible au mal que l'on peut faire à une auto. En tant que collectionneur, c'est vrai qu'on hésite à envoyer des autos dans ce genre d'épreuve. Mais une fois qu'on est dedans, on n'y pense plus. Jusqu'au premier accident : là, on comprend que ça va être compliqué de rentrer...
Faut-il une préparation particulière pour faire ce genre de rallye ?
-Ma voiture est une ex-usine, pilotée à l'époque par Bernard Consten. Elle a donc tout un tas de modification : blindage sur la longueur du soubassement, soudures renforcées, arceau, amortisseurs spécifiques, gros réservoir... Quand je l'ai rachetée, je l'ai faite reconditionner chez Oreca pour la partie moteur, et chez un de ses sous-traitants pour l'ensemble châssis/trais roulants. J'ai remplacé les roues de 14 pouces par des roues en 15 de 505, pour pouvoir monter des pneus rallye terre sans chambre. Sinon, vous crevez tout le temps !
L'injection a été remplacée par des carburateurs, ça n'ajoute pas de performances, ce n'est pas plus fiable, mais il est difficile de réparer une injection en plein désert, alors qu'une paire de carbu, il y a toujours moyen. J'ai dégonflé aussi le moteur qui était trop pointu.
Est-ce le défi d'amener une vieille voiture au bout du monde ou le vecteur de rencontre qui prédomine ?
-Le rallye, c'est le prétexte. On a envie de voir le paysage, de rencontrer des gens. Ceux qui vont là-bas pour la course reviennent déçus. C'est un voyage organisé avec l'aspect aventure... mais pas douce ! le rythme est élevé et on n'a pas de structure : dans le desert, il fait 6 degrés la nuit ; dès qu'on a des ennuis mécaniques, c'est l'horreur ! On arrive la nuit, il n'y a plus rien à manger , le matin on se lève, il fait encore nuit, on range la tente à la lampe frontale...
Y a-t-il des pays ou des continents privilégiés ?
-En Afrique, il n'y a pas de feux rouge, c'est vrai qu'on peut se défouler. Mais ça ne durera pas. Déjà, on doit faire face à des contraintes administratives hostiles, il faut qu'on trouve une alternative pour que les autochtones aient envie de nous voir. C'est la seule possibilité de survie. Qu'il y ait une source d'enrichissement culturel pour l'un et pour l'autre. Respecter les villages, s'arrêter, distribuer le plus de choses possible... De toute façon, qu'est-ce qu'on en a à faire de terminer premier dans un rallye sans nom et sans gloire ?
*L'entraide et les rencontres locales restent plus intéressantes sur le plan humain qu'une bonne place dans un classement !...
Et les finances ?
-Le Rallye Côte-Côte, c'est environ 10 000 €, ça ne paye que le transport des voitures et les billets d'avions. Sont couverts aussi toutes les démarches administratives, la facilité des passages à la douane, interminables en temps normal dans ces pays. Pour le reste, tout est payant. La nourriture, l'hôtellerie, les dockers... c'est en plus, ça revient assez cher. Quand à l'assistance, elle est symbolique. On vous remorque jusqu'à la ville suivante, à vous ensuite de vous débrouiller pour réparer ou pour continuer dans une autre voiture en abandonnant la votre.
En revient-on différent ?
-On apprend la solidarité. Même dans la voiture, on sait que si on s'engueule, il n'y a pas de train pour nous ramener à 200 Km de là ! Avec ma femme, on s'était donné la règle de ne jamais surenchérir sur l'énervement de l'autre. Dans ce genre de rallye, on arrive grâce aux autres. Sans les autres équipages, sans la population, on n'arrive pas au bout ! Il faut réussir à créer des liens d'amitié en étant disponibles aux autres, en espérant qu'ils vous le rendront. Et ils le rendent ! Celui qui n'aide personne s'isole. Un homme seul n'arrive à rien. Dans le désert, on apprend à bosser différemment.
On ne peut rien poser, on se met du sable partout ! On essaie de respecter la mécanique, mais on finit par travailler comme les locaux.....
*Arrivée sur le port de St Tropez en février 2007, au Rallye Côte-Côte.